récolte de miel avec le sythème de ruche flow hive

Flow Hive, 3 raisons de douter

Ceci est une traduction de l’article “3 reasons to go against the Flow Hive”, publié le 9 avril 2015 par Maryam Henein sur le site https://www.honeycolony.com. Ce dernier présente un point de vue alternatif sur le Flow Hive, une invention cherchant à simplifier la récolte du miel et dont le financement participatif a connu un grand succès.

A contre-courant sur le « Flow Hive »

Franchement, j’en ai assez d’entendre les gens m’expliquer tous les jours à quel point le “Flow Hive” est une invention merveilleuse sur ma page Facebook. Le succès viral de cette campagne de financement est vraiment incroyable. Au cours de mes voyages en Amérique Centrale, j’ai même rencontré un restaurateur belge qui m’a demandé si j’en avais entendu parler.

“J’adore le miel. C’est vraiment génial.” On peut lire un peu partout ces commentaires de gens du monde entier qui n’ont pas la moindre idée de ce en quoi consiste l’apiculture.

Ce gadget permet de récolter du miel sans ouvrir la ruche, et ses inventeurs, les australiens Stuart et Ceder Anderson, promettent qu’il fonctionne “sans gâchis, sans chichi, sans matériel coûteux, et que les abeilles ne sont même pas gênées par sa présence”. 

Mais juste parce que la gêne n’est pas visible à l’oeil nu ne veut pas dire qu’elle est inexistante. L’Homme peut être parfois bien arrogant.

Le “Flow Hive” a déjà récolté plus de 12 millions de dollars, et ça grimpe encore. Peut être que les acheteurs veulent vraiment venir en aide aux abeilles et pensent que ce gadget est la solution. Il s’agit en tout cas d’un signe clair de la popularité de l’apiculture urbaine.

Ses supporters estiment qu’en simplifiant (ou du moins automatisant) l’aspect le plus contraignant de l’apiculture- la récolte-plus de personnes voudront se mettre à cette activité, ce qui pourrait conduire à un soutien plus massif au sauvetage des abeilles. Et donc, en cela, le “Flow Hive” serait quelque chose de positif.

Au départ, je pensais moi aussi que le “Flow Hive” était une invention géniale qui honorait les abeilles. Mais après m’être penché sur la question, j’en ai conclu que la machine trivialise ce miracle naturel qu’est la fabrication du miel. C’est de l’élevage en encore plus négatif.

“Il est facile de souhaiter que cette machine simple d’utilisation connaisse le succès, et contribue à améliorer le monde de l’apiculture, ajoute Kim Flottum, apiculteur et éditeur de Bee Culture magazine.Mais, au fond de moi, j’ai peur qu’elle ne fasse paraître l’élevage d’une ruche plus facile que ce n’est réellement le cas, ce qui conduirait non pas à rendre l’apiculture plus efficace, mais à réduire l’attention portée à maintenir la santé de la ruche.”

Aidez les apiculteurs français à sauver les abeilles en achetant du miel français !

Voici 3 raisons parmi tant d’autres pour lesquelles il est préférable de ne pas utiliser le “Flow Hive” et de le considérer comme un autre degré de séparation entre les abeilles et les humains.

1. Les rayons de plastique

Ce nouveau système de récolte de miel est constitué de plastique. Grosso modo, il s’agit de la ruche de Langstroth, mais sous stéroïdes. Ici, les abeilles construisent leur propre cire sur les cadres en plastique et remplissent les cellules de nectar comme à l’accoutumé.

Quand vous tournez le robinet, le miel glisse à travers un rayon de plastique à double paroi. Une fois le drainage terminé, vous pouvez tourner le robinet dans l’autre sens, et le rayon retourne dans sa position originelle. C’est un système complètement automatique.

Mais les abeilles n’aiment pas spécialement le plastique.Demandez à n’importe quel apiculteur. Elles n’en ont pas besoin. Elles fabriquent de la cire-une substance organique- à partir de leur abdomen.Elles s’en servent pour stocker leur nourriture (nectar, pollen), et abriter leurs larves. La cire vibre et change de température.

“Les rayons sont bien plus qu’un simple Tupperware contenant le repas de quelqu’un d’autre, ils sont la base même de la ruche et servent toutes sortes de fonctions”, écrit l’apiculteur Jonathan Powell , dont la famille connaît bien les abeilles, et qui travaille avec l’organisation de charité britannique “Natural Bee-keeping Trust ».

Il écrit dans son blog:

“Les murs des rayons ont une épaisseur d’environ 0.07 mm,et sont fabriqués à partir de plus de 300 composants chimiques différents. La cire supprime les toxines de la ruche. La fréquence de résonance de la ruche (230-270 Hz) correspond aux senseurs de vibration des abeilles et servent de réseau d’information entre les abeilles situées dans des rayons opposés. Les abeilles gèrent la température des jantes des cellules afin d’optimiser la transmission de ces messages. La cire sert à conserver la mémoire et l’histoire de la ruche grâce aux signaux chimiques créés par les abeilles.Mais au lieu de leur laisser les rayons de cire qu’elles ont créés, le “Flow Hive” force les abeilles à travailler avec des rayons de plastique qui perturbent leurs hormones. Elles sont capable de reconnaître la moindre différence de composition de la cire, mais ne peuvent pas en faire autant avec du polypropylène,” ajoute-t-il.

De plus, le meilleur miel est complètement hermétique. C’est comme mettre un couvercle sur un pot: les abeilles mûrissent le nectar en enlevant la moisissure et en le scellant avec de la cire.

Le miel qui a été récolté avec un taux de moisissure supérieur à 20 % est considéré comme n’étant pas mûr et peut fermenter. Les apiculteurs traditionnels ouvrent les bouchons de miel avec un couteau et utilisent un spinner qui enlève le miel des rayons de cire.

Ensuite, ils injectent la cire dans la ruche. De plus, le miel peut cristalliser dans les climats plus froids, ce qui signifie que le “Flow Hive” peut se boucher et devoir être réchauffé, éliminant ainsi les propriétés curatives du miel.

Soit dit en passant, une ruche Langstroth peut être gérée sans le moindre rayon (laissant ainsi les abeilles fabriquer les leurs).Voilà comment des apiculteurs rétrogrades tels que Kirk Anderson et Dee Lusby s’occupent de leurs ruches.

2. Une communication inexistante entre les abeilles et les hommes

Le “Flow Hive” est vendu comme “le rêve de tout apiculteur”. Mais à mon sens, il s’agit là d’un fantasme d’amateur.

Le but de l’apiculture est de communier avec les abeilles, pas de s’éloigner d’elles encore plus. Il n’y a rien de tel que de prendre le temps, avec révérence et attention, de jeter un oeil dans une ruche et d’observer les abeilles en plein labeur.

Si les abeilles se tuent à la tâche, pourquoi devrions-nous avoir aussi facilement accès à leur nourriture? L’apiculture implique de se grimer en abeille (ou pas) et de se changer en l’une d’entre elles afin de s’assurer de ne causer aucun mal quand l’on pénètre dans leur espace vital.

Et si vous vous faites piquer une fois ou deux, il faut voir les choses de façon positive. C’est médicinal.

Comme l’écrit le photographe et apiculteur italien Renée Ricciard, “L’apiculture nécessite du respect, de la patience, et de l’attention envers la Nature. Après plusieurs années,on prête attention à l’humidité dès que l’on sort de chez soi, on remarque quelles plantes fleurissent en premier, on arrête de haïr ces saletés de pissenlits, et on pense aux abeilles quand il pleut.” 

Tout comme l’on ressent une satisfaction indescriptible quand on mange de la nourriture que l’on a cultivé soi-même, il y’a quelque chose de magique dans l’apiculture. Et cela ne consiste pas à tourner un robinet.

Beaucoup d’apiculteurs amateurs vous diront que la principale attraction n’est pas le miel, mais l’intendance. Et cela signifie vérifier la santé de la colonie, observer les mouvements des couvées,examiner la reine, s’assurer qu’il n’y a aucun parasite ou pathogène, et observer la quantité de miel afin de savoir ce que l’on laisse derrière soi.

Avec un appareil qui récolte le miel automatiquement, rien de tout ça. Même si vous pouvez voir les abeilles à travers une vitre, vous n’avez aucune idée de ce qui se passe à l’intérieur de la ruche. Comme l’a récemment déclaré un ami, le “Flow Hive” promeut le détachement émotionnel d’une ferme industrielle.

L’apiculture professionnelle, en revanche, est une toute autre affaire.

C’est un travail ardu, qui implique des longues heures de travail et de nombreuses pertes. Vous devrez probablement 1) mettre votre combinaison 2) enfumer les abeilles 3) ouvrir la ruche 4) retirer les rayons remplis de miel 5) chasser les abeilles de ces rayons 6) utiliser un couteau pour enlever le bouchon de ces rayons de cire 7) utiliser une centrifugeuse pour sortir le miel du cadre.

Le “Flow Hive” promet d’éliminer tout ça. Quel apiculteur professionnel ne serait pas intrigué?

Mais sans communion d’aucune sorte, cela ne ressemble-t-il pas à du vol de miel ? A de l’apiculture sans effort ? A du miel gratuit ? Franchement, brûler les étapes revient à créer du miel de fast-food.

De plus, le miel a son propre rythme selon la saison,et ne se récolte en général qu’une fois par an. Est-ce que les apiculteurs amateurs sauront garder ça en tête, ou bien finiront-ils par se gaver de miel toute l’année ?

La plupart des apiculteurs vous diront que le miel n’est qu’un bonus. Si j’élève des abeilles, c’est parce que je les adore. C’est une activité pour les amateurs d’abeilles, pas de miel. Le film s’appelle “More Than Honey” (“Des abeilles et des hommes” en VF) pour une bonne raison.

Prenez ceci en considération: durant l’existence d’une abeille (soit environ 6 semaines), celle-ci ne produira que le quart d’une cuillère de miel. Le miel est quelque chose de sacré.

Je dis toujours aux débutants qu’il n’y a qu’une seule raison d’avoir des abeilles, et c’est parce qu’elles sont fascinantes. Si vous voulez du miel, devenez ami avec un apiculteur”, explique un apiculteur australien répondant au nom d’Adrian the Bee Man.

3. Un Gimmick coûteux

Le Flow Hive est à présent la plus grosse campagne internationale que nous avons jamais eu sur Indiegogo ”, a annoncé Slava Rubin,président de la société de crowfunding.

Ils ont dépassé leur objectif de 70 000 dollars en moins de 10 minutes et récolté 2,1 millions de dollars en une journée, battant le record du plus grand nombre de fonds récoltés en 24 heures.

Pour 600 dollars, vous obtenez une ferme à abeilles complètement automatisée. Mais beaucoup d’apiculteurs à qui j’ai parlé estiment que le prix et l’entretien sont trop élevés. Le “Flow Hive” est plus cher qu’une ruche Langstroth. 

Le “Flow Hive” a été décrit comme pouvant potentiellement empêcher le déclin de la population mondiale d’abeilles. Vraiment? Cela rend juste la collecte de miel plus facile.En quoi cela aide-t-il les abeilles à survivre aux pesticides et à la perte de leur habitat ?

Pour citer Ricciardi une fois de plus, le “Flow Hive” cherche à attirer les “mangeurs de miel fainéants qui ont peur de se faire piquer. Cela créera une génération de gens ignorants qui ne comprennent pas les mécanismes délicats qui permettent à la ruche de fonctionner ».

Ne vous laissez pas impressionner par la campagne marketing et par tout ce miel facile. Impliquez-vous dans le travail des ONG, montrez “Vanishing of the Bees” à vos enfants ou bien faites de la vraie apiculture.

Bien entendu, personne ne dit que ces gens sont mauvais. Mais comme le dit le dicton, la route de l’enfer est pavée de bonnes intentions, et cela vaut aussi pour les “bonnes inventions”.

Tout ce qui a attrait aux abeilles n’est pas forcément bon pour elles.

Article original :

https://www.honeycolony.com/article/3-reasons-to-go-against-the-flow-hive/