Les causes du déclin des populations d’abeilles sont de mieux en mieux connues. Plusieurs facteurs sont fréquemment mis en avant comme les maladies, les parasites et les virus, les pesticides, le changement climatique ou bien encore la présence de prédateurs. La corrélation entre l’alimentation des abeilles et leur disparition est en revanche beaucoup moins étudiée.
Pourquoi les abeilles butinent-elles des nectars qu’elles savent contaminés ?
En effet, la raison pour laquelle des animaux ingèrent parfois des substances toxiques pouvant nuire à leur survie est encore à ce jour mal comprise. L’hypothèse la plus fréquente est que ce comportement est tout simplement causé par l’état de manque (de faim) de l’animal. C’est ce qu’on appelle la théorie du “budget énergétique”. Mais une autre approche serait que la consommation de “mauvais nectar” pourrait être causée non seulement par une absence de choix, mais aussi par un stress subi, créant un état “d’impuissance alimentaire“.
Ces deux théories ont été testées sur l’abeille domestique par Gabriela de Brito Sanchez et les chercheurs du Centre de Recherches sur la Cognition Animale à Toulouse. Leurs recherches, publiées dans la revue Scientific Reports, ont montré que des abeilles devant choisir entre une solution sucrée pure (qu’elles privilégient en temps normal) et cette même solution mélangée à une substance amère ou salée ont systématiquement privilégié la solution sucrée, et ce quelque soit leur budget énergétique.
Mais si, confrontées à une seule option alimentaire, elles finissent toujours par consommer des mélanges qu’elles auraient rejeté en temps normal, là encore quelque soit leur budget énergétique. Cette consommation est encore plus important si les abeilles sont enfermées avec la nourriture, créant ainsi un état de stress.
Pour l’équipe de Gabriela de Brito Sanchez, ce comportement illustre un cas typique “d’impuissance alimentaire”, où les abeilles ingèrent des substances aversives devant l’absence d’alternative.
Ces résultats pourraient permettre de mieux comprendre les mortalités massives d’abeilles.
En effet, ils permettent de supposer un lien de causalité entre ce déclin et les pratiques agricoles mêlant monocultures et l’usage de produits chimiques dangereux. Face à cette absence de choix, les abeilles seraient en effet contraintes d’accepter de butiner des nectars toxiques, affectant aussi bien leur survie que celle de leur colonie.