Le 15 février dernier, le Conseil d’État a confirmé la suspension de la mise sur le marché de deux insecticides contenant du Sulfoxaflor. Une bataille juridique autour de ces produits oppose depuis plusieurs mois leur fabricant, Dow Agrosciences, et les défenseurs des abeilles, une ONG (Générations futures) et l’UNAF. Faisons un point sur les derniers épisodes de cette bataille.
L’affaire du Sulfoxaflor : l’intervention du Conseil d’Etat
Le 27 septembre 2017, alors que les projecteurs sont braqués sur le Glyphosate, la mise sur le marché de deux insecticides, le Closer et le Transform, fabriqués par la société américaine Dow Agrosciences et contenant du Sulfoxaflor, est autorisée en catimini par l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l’Alimentation, de l’Environnement et du Travail). De fait, cette décision créé un malaise au sein du gouvernement, rappelant l’antagonisme récurrent entre le Ministère de l’agriculture et le Ministère de l’Environnement.
L’UNAF et l’association “Générations futures” découvrent avec effroi cette information. L’ONG dépose donc le 19 octobre deux recours en justice contre ces autorisations de mise sur le marché (AMM). Le premier recours demande la suspension des AMM de ces pesticides en urgence. Le second concerne le débat de fond : ces produits représentent, en leur qualité d’insecticides néonicotinoïdes, un danger pour les pollinisateurs. De plus, la loi sur la Biodiversité de 2016 (promesse de campagne du candidat Macron) prévoit l’interdiction totale des “néonics” à partir du 1er septembre 2018 (dérogations possibles jusqu’au 1er juillet 2020). Dans ce contexte, la commercialisation de nouveaux pesticides appartenant à cette même famille semble contreproductive.
Le 24 novembre, le tribunal administratif de Nice ordonne la suspension de la commercialisation de ces insecticides. Bien sûr, Dow Agrosciences s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’État. Ce dernier vient de rendre son avis le 15 février 2018 : il rejette les pourvois du fabricant et confirme la suspension. Les deux parties attendent maintenant le jugement sur le fond qui rendra (ou non) la décision définitive. La date de ce jugement n’est pas encore connue.
Qu’est ce que le Sulfoxaflor ? Les arguments des deux parties
Le Closer et le Transform sont deux insecticides. De fait, ils sont destinés à la lutte contre les pucerons sur les grandes cultures, les fruits et les légumes. Le principe actif est le Sulfoxaflor. D’après le fabricant, cette molécule appartient à une nouvelle famille d’insecticides neurotoxiques (les sulfoximines). Leur mise en application et leur profil toxicologique seraient “respectueux pour l’homme et la biodiversité”. De ce fait, Dow Agrosciences déplore l’amalgame avec les néonicotinoïdes. Ces derniers sont mis en cause dans l’effondrement des populations d’insectes. De même, leur impact sur notre santé inquiète de plus en plus.
Cependant, depuis 2014, plusieurs études scientifiques ont établi que le Sulfoxaflor fait bien partie de la famille des “néonics”. En effet, en mai 2014, l’Autorité Européenne pour la Sécurité des Aliments a défini l’insecticide comme “hautement toxique pour les abeilles”. De plus, en septembre 2015, une décision de justice américaine a confirmé que le Sulfoxaflor appartenait à la famille des insecticides néonicotinoïdes.
De son côté, l’UNAF s’inquiète du manque de fiabilité des études menées par le fabricant Dow Agrosciences dans un communiqué de presse datant du 22 février 2018. Ainsi, elle qualifie les tests de “lacunaires et approximatifs”.
Affaire à suivre…
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